Le blog dédié À LA BIOGRAPHIE

Françoise LunardiEcrivain public - biographie - contenus rédactionnelsMembre agréé de l'Académie des écrivains publics de France

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PARLONS BIOGRAPHIE

Le récit choral pour écrire la biographie d'une personne disparue

27/03/2024

Le récit choral pour écrire la biographie d'une personne disparue

Genèse du projet de biographie chorale

 

En septembre 2023, je suis contactée par Marie, la fille de monsieur N. Elle souhaite offrir à son père la possibilité de se raconter dans une biographie. Nous convenons d’un rendez-vous. Une semaine avant celui-ci, monsieur N. décède subitement, dans son sommeil. Le projet de Marie s’éteint avec lui.

Pourtant, elle me rappelle quelques semaines plus tard. « J’aimerais reprendre le projet de récit de vie de papa et le faire à titre posthume », me dit-elle. Nous nous rencontrons pour en discuter. Je comprends rapidement que cette démarche s’inscrit dans le processus de deuil de Marie. Ensemble, nous convenons d’inviter plusieurs membres de la famille proche de monsieur N. à participer à ce récit.

Me voici embarquée dans une biographie « chorale ». Nous connaissons le roman et le film choral, dans lesquels plusieurs narrateurs nous font vivre une histoire commune ou encore une intrigue qui les lie sans qu’ils le sachent. Mais qu’est-ce qu’une biographie chorale ?

 

Écrire un récit de vie à plusieurs voix

 

La biographie chorale est un récit rédigé à plusieurs mains, ou plutôt dans mon cas, à deux mains — celles de la biographe — et plusieurs voix — celles des narrateurs. Pour cet article de blog, j’ai choisi de traiter la biographie d’une personne disparue, racontée par ses proches. J’aurais également pu mettre en avant le récit familial (un souvenir, une période, racontés par plusieurs membres d’une même famille) ou dynastique (l’histoire d’une famille et de ses membres les plus éminents).

 

Qu’attendent les commanditaires de la biographie ?

 

Avant de nous attacher à creuser les bienfaits et les risques de la biographie chorale, intéressons-nous aux objectifs de ceux qui sont à l’initiative du projet. Qu’en attendent-ils ? Quel est le sens de leur démarche ?

Bien souvent, surtout quand le décès est brutal, il s’agit d’un premier pas dans les étapes du deuil de la personne aimée, qui conduit vers l’acceptation. Convoquer ses souvenirs, évoquer cet être cher, c’est le retenir encore un peu avant de s’autoriser à le laisser partir définitivement. En le racontant, la biographie va lui rendre hommage, le remercier parfois et surtout lui dire ce que l’on n’a pas eu le temps de dire de son vivant.

C’est un récit chargé d’émotion (qu’il faut savoir doser), qui laisse une trace, qui apaise et qui fait du bien.

 

Les bienfaits de la biographie chorale

 

Habituellement, la biographie ou l’autobiographie ne donne qu’une seule vision de la personne racontée, celle de l’auteur. Dans une biographie chorale, chacun des narrateurs apporte sa vision du personnage principal avec ses propres émotions et ressentis. Tous évoquent la personne disparue selon leurs propres perceptions et les souvenirs qu’ils en ont. Vous l’aurez compris, si l’autobiographie est écrite au « Je », la biographie chorale d’un proche disparu est écrite au « Il » ou au « Elle ».

Le portrait du disparu peut alors être comparé à une vision panoramique, une photographie à trois cent soixante degrés, qui s’enrichit de différentes nuances, de la finesse de la description, de la richesse des sentiments. Chacun a eu une relation particulière avec le défunt, peut-être à différentes époques de sa vie, ce qui fait renaître sur le papier un personnage composite.

De la même manière, les souvenirs évoqués se complètent de points de vue différents. Certains étaient au cœur de l’action, d’autres simples spectateurs. Ils ne raconteront pas exactement la même histoire. Les talents d’observateur de l’un vont relever le décor, les couleurs, les vêtements portés… L’auditif se souviendra des sons, d’un morceau de musique, du fond sonore, il saura restituer les dialogues. Les kinesthésiques apporteront des précisions sur une senteur, une sensation au toucher, la chaleur ou le froid… Autant d’éléments complémentaires qui rendront les souvenirs encore plus vivants.

Plusieurs générations vont raconter, parlant de différentes époques et contextes, brossant un portrait, qui sera tout sauf lisse, d’une personne à différents stades de sa vie. Chacun viendra avec sa vérité et nul ne pourra la contester.

 

Les risques pour le biographe 

 

Pour autant, le biographe devra veiller à ce que les contradictions entre les différentes versions d’un même souvenir ne soient pas inexpliquées, au risque, de jeter le doute sur la véracité du récit.

Une attention particulière devra être apportée à certains souvenirs que j’appelle « des anecdotes galvaudées » : toute la famille les connaît, elles sont racontées à chaque réunion de famille. Ces « légendes familiales » sont tellement célèbres que tout le monde à l’impression d’en avoir été le témoin. À de rares exceptions près, ce type de souvenir n’aura pas la richesse attendue. Réduit à sa plus simple expression à force d’être ressassé, il manquera certainement de profondeur et ne rendra pas justice au personnage évoqué.

Le risque de tomber dans l’idolâtrie est aussi bien réel. Porté aux nues, le défunt apparaît alors paré de toutes les qualités. Manque d’objectivité ou aveuglement dû à la tristesse, le travail du biographe sera alors de chercher dans l’histoire de la personne évoquée, les témoignages à l’appui de ces qualités. Sans cela, le récit de vie manquera de sel, d’émotion, de justesse et n’atteindra pas l’objectif poursuivi.

Le dernier risque est de n’avoir qu’une vision parcellaire de l’histoire, parce que le panel de témoins raconte une seule période, une seule facette, de la vie du disparu. Il faut donc veiller dès le démarrage du projet à ce que les narrateurs soient en mesure de raconter « toute » l’histoire, chacun complétant l’autre.

Quelques précautions s’imposent aussi dans le recueil de la parole de chacun. Sans doute vaut-il mieux recevoir les témoignages séparément pour que le récit de l’un ne soit pas entravé par la présence de l’autre. Un guide d’entretien permettra aussi de cibler les questions, selon le narrateur, sa relation avec la personne disparue et la période pendant laquelle il l’a côtoyée.

 

Hommage à titre posthume

 

La biographie chorale pour rendre hommage à une personne disparue est donc, pour le biographe, un projet à mener avec beaucoup de circonspection, tout en sensibilité, où les attentes des commanditaires sont grandes et de l’ordre de l’émotion. En connaître les risques et savoir les maîtriser sont la garantie d’un travail de qualité.

 

Photo de Tim Marshall sur Unsplash

5 bonnes raisons d'offrir une biographie à ses proches

11/12/2023

5 bonnes raisons d'offrir une biographie à ses proches

5 bonnes raisons d’offrir une biographie à ses proches pour Noël (ou toute autre occasion 😊) et 1 conseil d’ami

 

C’est bientôt Noël et vous êtes en panne. En panne d’inspiration pour trouver le cadeau idéal pour vos parents ou vos grands-parents. 

Ça tombe bien, j’en ai un à vous proposer. Je vous explique.

5 bonnes raisons d’offrir une biographie à ses proches pour Noël (ou toute autre occasion 😊) et 1 conseil d’ami

1 — Offrez un cadeau personnalisé et unique

Chacun vit sa vie à sa façon, fait ses propres expériences et ses choix. C’est ce qui rend chaque parcours de vie unique et fait qu’il mérite d’être raconté. En proposant à vos proches de témoigner dans une biographie, non seulement vous leur portez une attention toute particulière, mais en plus vous leur démontrez de l’attachement et de l’intérêt. Par ce cadeau personnalisé, vous leur dites : « Ce que tu as vécu est important pour moi, j’ai envie d’en savoir plus, raconte-moi s’il te plaît. »

Un cadeau pour se raconter

Car souvent l’envie de raconter est présente chez les séniors, vous avez sûrement noté qu’ils éprouvent beaucoup de plaisir à partager leurs souvenirs à l’oral. Mais de là à passer à l’écrit, la marche est haute. C’est pourquoi en leur démontrant tout l’intérêt que cette démarche représente à vos yeux, vous levez leurs freins et leurs réticences. Vous leur permettez aussi de prendre conscience du fait qu’ils ont traversé l’histoire récente, et que leur témoignage est important pour les plus jeunes générations.

2 — Un projet qui fait sens

La démarche du récit de vie recèle des vertus insoupçonnées. L’objectif lui-même a du sens : transmettre, partager, donner, laisser une trace ! Le chemin pour y arriver est souvent porteur d’une dynamique nouvelle et bénéfique pour la personne qui se raconte. Pour certaines personnes âgées isolées, ce rendez-vous régulier avec le biographe est attendu et apporte un nouveau souffle.

Un projet qui s’inscrit dans la durée

C’est un projet qui s’inscrit dans la durée, six mois, un an, parfois plus. Le processus est itératif et enrichissant par bien des aspects. Se souvenir permet au narrateur d’exercer sa mémoire. Plonger dans le passé, retrouver les anecdotes qui ont ponctué son histoire, faire ressurgir les belles choses, les plus tristes aussi. Ce projet, revigorant à bien des égards pour les aînés, procure du plaisir, plaisir à voyager dans le temps et l’espace, à convoquer ses souvenirs, à revivre sa jeunesse, à rêver et à s’évader. Tous les narrateurs le disent : c’est avec joie qu’ils empruntent le chemin du souvenir.

3 — Offrir le livre de sa vie, ça n’a pas de prix

Quelle est la valeur d’une vie ? Question embarrassante, à laquelle il est bien difficile de répondre. « La vie ne vaut rien (…), mais rien ne vaut la vie ! » chante Alain Souchon à raison. Offrir à un proche la possibilité de raconter sa vie, c’est par nature un cadeau d’une valeur tout à fait inestimable. Cadeau familial par excellence, c’est lorsqu’il est offert par plusieurs membres d’une même famille qu’il prend tout son sens, pour la personne qui le reçoit. En effet, quelle plus belle preuve d’amour que d’offrir à nos parents ou grands-parents le livre de leur vie ?

Un objet de famille

Ce livre deviendra un objet de famille, offert à tous ses membres, pour se souvenir et témoigner que chacun participe de cette lignée.

4 — La famille, grande bénéficiaire de ce projet

Car c’est bien la famille tout entière qui sera la bénéficiaire de ce projet. Collecter la mémoire des aînés, c’est tendre la main vers les générations suivantes : faire le lien, parler des racines, donner du sens et même de la connaissance aux plus jeunes. Cela s’inscrit dans un process intergénérationnel de transmission.

Quand la famille participe au projet de biographie

Il arrive aussi que les membres de la famille souhaitent s’engager dans le projet pour ne pas être de simples lecteurs du récit, mais en devenir les acteurs. Le projet de livre de vie devient alors une œuvre collective qui permet aux jeunes générations de contribuer à la biographie de leur aîné en apportant les souvenirs et anecdotes partagés avec cet être cher. Cet engouement est vécu comme une marque d’attention supplémentaire par le narrateur. L’ensemble forme alors un récit choral, unique en son genre, que chacun aura plaisir à lire ou relire.

5 — Un travail sur soi qui fait du bien

Il est prouvé que l’écriture introspective a des vertus thérapeutiques. Pour le narrateur, écrire sur sa vie est souvent vu comme une façon de dresser un « arrêté comptable » sur les plans personnels et professionnels. Témoigner de tout ce que l’on a réussi et prendre le temps de s’en réjouir. Regarder également les revers que l’on a traversés, avec les yeux d’aujourd’hui, souvent plus indulgents et apaisés. Parler de ses engagements et de ses choix, c’est aussi trouver matière à expliquer, à réfléchir sur soi. Le bénéfice de ce travail d’introspection est toujours supérieur à l’investissement qu’il demande.

Quand parler du passé permet de se projeter

Ce n’est pas parce que l’on raconte sa vie que celle-ci est finie ! Bien au contraire, repartir du passé permet de se projeter vers l’avenir en dressant la liste de ses envies, de ses objectifs pour les années à venir. La biographie devient alors un formidable tremplin pour engager de nouvelles actions — réfléchies — basées sur l’expérience et le vécu.

Le conseil d’ami : de l’importance de se faire accompagner de A à Z

Pour que ce cadeau ne soit pas un cadeau empoisonné, il est crucial d’être bien accompagné dans la démarche. Pouvoir déléguer à un professionnel de l’écriture l’accompagnement de vos proches, c’est le gage de réussite du projet. J’ai 2 mots à vous dire, biographe familial, vous apporte à la fois un cadre rassurant où la confidentialité est de mise et une méthode qui a déjà fait ses preuves auprès d’une dizaine de narrateurs, avec en prime, un climat de confiance propice à engager le dialogue et recueillir les confidences du narrateur.

Un projet piloté de bout en bout par votre biographe

J’ai 2 mots à vous dire vous accompagne tout au long du projet. Recueillir les souvenirs, aider à stimuler la mémoire, rédiger l’ouvrage, organiser le récit, insérer les photos : tout est pris en charge de A à Z du premier rendez-vous jusqu’à la réalisation du livre.

Alors qu’attendez-vous pour passer à l’action avant Noël ?

Réservez votre entretien de prise de contact, il est gratuit et sans engagement.

 

Parlons biographie | Episode 8 - L'envie de raconter son histoire

30/01/2023

Parlons biographie | Episode 8 - L'envie de raconter son histoire

Au fil des épisodes de ma série d’articles de blog consacrés à la biographie : « Parlons biographie : Pourquoi a-t-on besoin de raconter son histoire ? », j’ai partagé avec vous ma conception de la biographie en faisant appel à une métaphore. Et si la biographie était une recette de cuisine ?

 

Réunissons d’abord les ingrédients de base - la parole, l’écriture et la mémoire - et de délicieuses épices : le besoin et l’envie. Et ajustons notre tablier !


Si le point de départ de la recette est de recueillir la mémoire, grâce à la parole du narrateur et à l’écriture du biographe, la question du besoin se pose assez rapidement. Quel est le besoin ou plutôt quelles sont les familles de besoins, qui amènent à vouloir se raconter ? J’en ai identifié six, chacune ayant fait l’objet d’un épisode de ce blog : 
-    Laisser une trace de son passage,
-    Transmettre son histoire familiale,
-    Témoigner,
-    Servir d’exemple à ses proches,
-    Se libérer de ses traumatismes,
-    Aider les autres.


Après vous avoir longuement entretenu de la première épice, le besoin d’écrire sa biographie, il me reste à évoquer avec vous la seconde épice de ma recette : l’envie de se raconter ! 


Parce que sans envie, il n’y a tout simplement pas de biographie. On ne force pas quelqu’un à écrire sa biographie, cela relève avant tout d’une démarche volontaire et choisie. Et ce choix n’est pas dénué d’efforts à consentir, pour arriver à l’objectif final : écrire sur sa vie. 
Pour se lancer dans un projet de récit de vie, il faut en effet avoir l’envie chevillée au corps : regarder en arrière, se replonger dans le passé, revivre une époque révolue. L’envie de faire ressurgir des souvenirs heureux ou malheureux, de renouer avec des moments de grâce et avec d’autres que l’on aurait mieux aimé oublier. 


Cette envie, comment se manifeste-t-elle ? 


Elle arrive sans crier gare au détour d’une page d’un vieil album photos, lorsque nous assaillent des visages, des noms, des lieux et toutes les émotions dont ils sont chargés.
Elle surgit à notre oreille à l’écoute d’une mélodie que l’on croyait oubliée, d’une chanson de sa jeunesse, du tube de ses années lycée, qui nous submergent sous une vague de nostalgie ou de gaieté.
Elle prend parfois la forme d’un bon petit plat qui réveille nos papilles, au souvenir des recettes dont nous régalait maman. 
Parfois, elle vient flatter nos narines des délicieuses effluves de cuisson qui nous rappellent notre gâteau d’enfance. 
On la retrouve enfin par hasard, lorsque nos doigts se réveillent au doux toucher d’une étoffe ou d’un meuble de famille.
La biographie nous emporte donc, nos cinq sens en éveil, elle nous transporte au cœur de nos souvenirs, elle nous apporte la possibilité de revivre en pensée de courts instants de vie.


Alors, ne vous demandez pas si votre vie est assez "intéressante" pour la raconter... Demandez-vous simplement si vous en avez besoin, et surtout, si vous en avez envie ! 

Parlons biographie | Episode 7 - Aider les autres

27/12/2022

Parlons biographie | Episode 7 - Aider les autres

Ecrire sa biographie répond à un besoin

Nous avons observé dans les derniers épisodes de mon blog dédié à l’écriture biographique, que le récit de vie permet de se libérer de ses traumatismes, en les couchant sur le papier. Il a été souligné que le plus souvent cette démarche n’avait pas vocation à être partagée, l’écrit ayant alors une visée « thérapeutique ».

 

Raconter son histoire pour aider les autres

Mais il arrive également que le fait de raconter comment une épreuve a été surmontée puisse aider les autres. En effet, en partageant une expérience personnelle douloureuse et surtout en montrant la façon dont nous avons réussi à nous en relever, nous pouvons apporter une aide à ceux qui sont confrontés à des situations similaires. C’est bien de résilience dont il s’agit, comme l’évoquait FW Nietzsche : « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort. » En surmontant les difficultés auxquelles j’ai été confronté, j’atteste ainsi de ma propre force. 

Témoigner de cette histoire personnelle, c’est alors véhiculer un formidable message d’espoir aux lecteurs. J’ai souffert, je m’en suis sorti, je raconte pour vous montrer que c’est possible et que je suis là aujourd’hui, pour le dire. 
La liste des traumatismes est longue : combattre la maladie, faire le deuil d’un enfant, accompagner un parent atteint d’une maladie invalidante, élever un enfant handicapé, se relever d’un burn-out... Autant de chocs émotionnels ou physiques devant lesquels nous nous sentons très seuls lorsque nous y sommes confrontés. Et pourtant… d’autres que nous sont forcément passés par là, d’autres que nous ont vécu une situation douloureuse identique. Leur témoignage, qui met des mots sur ce que l’on ressent, peut aider à surmonter l’épreuve subie.
J’ai ainsi dans mon entourage une jeune femme qui a été atteinte d’un cancer à quarante ans. Lorsque le diagnostic est tombé, très brutalement, Camille a d’abord sombré un temps dans le désespoir. Mais c’est une battante, une vraie force de la nature et elle a vite repris le dessus. Elle ne s’est quasiment jamais arrêtée de travailler pendant son traitement. Pourtant, c’est un vrai parcours du combattant qui l’attendait. Choisir le meilleur hôpital pour se faire soigner ; trouver une belle perruque ; se renseigner sur les thérapies douces permettant de soulager certains effets secondaires des traitements… Elle ne savait pas vers qui se tourner pour obtenir des informations fiables face à ses multiples questions sans réponse. Elle a parfois dû remuer ciel et terre pour aller chercher les bonnes réponses. 
Alors, lorsqu‘elle a été guérie, elle a voulu raconter son cheminement, sans rien omettre de ce qu’elle avait vécu pendant plus d’un an. Son objectif était d’aider celles et ceux qui se trouvaient dans la même situation :  les informer, les guider, leur donner des conseils pratiques et surtout les rassurer… Le récit de son combat contre la maladie a permis d’aider beaucoup de femmes et d'hommes. Et aujourd’hui encore, plus de dix ans après, elle ne manque jamais d’aller voir les malades lorsqu’elle se rend à l’hôpital pour des visites de contrôle. Ce qu’elle apporte avec elle n’a pas de prix : c’est le symbole de la guérison et surtout de l’espoir.

La biographie pour être utile 

Certes, se lancer dans un tel récit de vie demande du courage et de l’abnégation, cela oblige à repasser par toutes les étapes difficiles que l’on a vécues. Mais lorsque l’on écrit, non seulement pour soi, mais aussi pour les autres, l’objectif est tellement puissant et noble, qu’il permet de passer outre les obstacles. Savoir que son expérience personnelle va servir à d’autres, c’est gratifiant, cela permet de se sentir utile et de pouvoir simplement se dire : 

« Je n’ai pas vécu tout cela pour rien ! »  

Parlons biographie | Episode 6 - Se libérer de ses traumatismes

29/11/2022

Parlons biographie | Episode 6 - Se libérer de ses traumatismes

Ecrire sa biographie pour se libérer de ses traumatismes

Si ces quatre premières familles sont tournées vers les autres, avec une volonté sous-jacente d’offrir aux autres son histoire, le besoin de se libérer de ses traumatismes est quant à lui, centré sur le narrateur. Dans ce contexte, écrire est un moyen d’aller mieux. Pour nombre de personnes, la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Que l’on soit touché par le deuil ou l’exil, soumis à la violence physique ou morale, atteint par la maladie : exprimer sa douleur en la couchant sur le papier peut faire partie des actes de la thérapie. 

 

Mettre des mots sur les maux

On entend souvent dire : « Il faut mettre des mots M O T S sur des maux M A U X. » Même si cette expression semble un peu galvaudée, elle n’en demeure pas moins tellement parlante, évidente même, qu’il est difficile de ne pas s’y arrêter quelques instants. Que nous dit-elle ? Elle nous enseigne que passer à l’écrit pour qui souhaite s’engager dans un travail de résilience est aujourd’hui une nécessité. Il est en effet prouvé que le fait de raconter un épisode traumatique peut aider à se soigner. La méthode est d’ailleurs employée par des psychologues et des psychothérapeutes, qui n’hésitent pas à demander à leurs patients d’écrire sur leur souffrance, de la raconter pour mieux l’apprivoiser en quelque sorte. Sans aller jusqu’à la thérapie, certains ateliers d’écriture, centrés sur le récit de situations difficiles, permettent aussi, en libérant les émotions ainsi décrites, de prendre du recul et de la distance avec les faits. L’écriture est alors libératrice. 


J’ai ainsi rencontré Marie, une jeune femme suivie par une psychologue depuis dix ans. Marie avait été enfermée dans une relation toxique pendant près de dix ans avec un homme devenu alcoolique et violent. Lorsque la violence a commencé à se tourner vers ses enfants, Marie a trouvé le courage de partir. Comme Marie restait prisonnière de cette histoire tragique, son thérapeute lui a conseillé de raconter son histoire en la mettant par écrit. Le défi était immense - revivre tous ces épisodes traumatiques – mais l’enjeu était à la hauteur des difficultés rencontrées : il s’agissait de mettre un point final à l’histoire. Pour Marie, l’objectif n’était pas d’oublier cette partie de sa vie, mais de s’en libérer. En rédigeant son livre, elle s’autorisait enfin à extraire de sa mémoire ces longues années, pour pouvoir enfin aller de l’avant avec ses enfants et ainsi se permettre de revivre, tout simplement. Ce récit de vie très personnel avait pour seule vocation de lui permettre de continuer son chemin, avec la conscience de ce qu’elle avait vécu, mais sans être continuellement hantée par ce passé douloureux.

 

Le courage de raconter son histoire 

Il en faut du courage pour mener à bien un tel projet, cela oblige à remuer des choses qui font mal, mais le jeu en vaut la chandelle. Quels sont donc les mécanismes qui se mettent en route lorsque l’on écrit ? En écrivant, on prend de la distance avec les faits : en mettant des mots sur ce qui nous a touchés, ce qui a été douloureux, on réalise un travail libérateur, car ce sont les pensées négatives ou traumatiques qui nous empêchent d’avancer. La thérapie par l’écriture permet de retrouver des émotions liées aux épisodes vécus, de dégripper certains rouages, de reformuler et de digérer les souvenirs qui nous ont blessés. Le récit de vie permet alors de faire le point sur sa vie, de retrouver la paix intérieure et d’apaiser sa souffrance morale. 

 

Ce type de biographie n’est que rarement destiné à être partagé, on le garde pour soi, comme un témoignage personnel qui devient à la fois le dépositaire de nos blessures et le sésame qui nous autorise à nous en affranchir. 

 

Photo by Darius Bashar sur Unsplash
  

Parlons biographie | Episode 5 - Servir d'exemple à ses proches

30/10/2022

Parlons biographie | Episode 5 - Servir d'exemple à ses proches

Ecrire sa biographie répond à un besoin

Dans les précédents épisodes de ce blog consacré à la biographie, nous avons déjà identifié trois besoins conduisant à l’écriture d’une biographie : laisser une trace de son passage, transmettre son histoire personnelle et témoigner.

 

La biographie pour donner l'exemple

Mais la biographie peut aussi avoir des vertus d’exemplarité. Nos chemins de vie ne sont pas toujours linéaires : nous commettons des erreurs, notre parcours est souvent semé d’embûches et nous sommes tous amenés à faire des choix. Ce sont ces expériences qui forgent les valeurs qui nous animent et qui nous guident, ces valeurs qui font notre singularité. Elles font partie de notre patrimoine et de l’héritage que nous avons envie de léguer à ceux qui nous entourent. En racontant notre cheminement à notre famille, on lui offre ce cadeau qui va bien au-delà du cadeau que l’on se fait à soi-même. 


Je voudrais vous parler de Pierre, cultivateur à la fin du XIXe siècle, dont j’ai écrit la biographie. Pierre a vingt-trois ans quand, orphelin de père et de mère, il s’endette auprès de sa famille et de ses amis pour acheter les terres et les bâtiments de sa ferme. À force de travail acharné, d’audace aussi, de modernisation de son outil de travail, il va réussir à rembourser ses dettes et à faire de son exploitation un établissement modèle. Pour cela, il sera même récompensé par des médailles agricoles. 
En 1934, c’est son gendre, Jean-Baptiste, qui reprend le flambeau et s’inspire de l’exemple de Pierre pour continuer les transformations. Lui aussi innove, tente de nouvelles cultures, s’essaie à l’élevage. Il devient formateur auprès de jeunes de l’École Supérieure d’Agriculture. Il incarne parfaitement la valeur du travail bien fait, mise à l’honneur dans la biographie de Pierre et Jean-Baptiste. Cet exemple devient une source d’inspiration, mais aussi de respect pour leur descendance.

La biographie pour transmettre des valeurs 

N’est-ce pas la volonté de nombre de parents que de donner de bonnes bases et des valeurs solides à leurs enfants. Ne dit-on pas couramment dans les familles : « Montre l’exemple à ton frère ou à ta sœur… » Les biographies qui mettent en valeur l’exemplarité de ceux qui nous ont précédés nous permettent d’apprendre des valeurs familiales et des expériences passées, pour mener à notre tour notre propre vie. 
Mais elles permettent aussi de mettre en garde contre les écueils à éviter, en ne cachant pas les fausses routes et les accidents de parcours. Être vrai, c’est aussi savoir dire dans sa biographie : « J’ai commis des erreurs, je me suis trompé, cela m’a permis d’apprendre des choses. Et l’expérience que j’ai vécue peut vous permettre de ne pas reproduire mes erreurs. »

 

La biographie peut ainsi devenir une vraie leçon de vie pour celui qui la reçoit et sait en faire bon usage.

 

Photo de Denys Nevozhai sur Unsplash
  

Parlons biographie | Episode 4 - Le besoin de témoigner

28/09/2022

Parlons biographie | Episode 4 - Le besoin de témoigner

Ecrire sa biographie répond toujours à un besoin

Dans les précédents épisodes de ce blog consacré à la biographie, nous avons déjà identifié deux besoins conduisant à l’écriture d’une biographie : laisser une trace de son passage et transmettre son histoire personnelle.


La biographie pour témoigner 

Venons-en maintenant au troisième besoin auquel répond la biographie : celui de témoigner. Témoigner d’une époque révolue, de moments historiques que l’on a vécu de près, d’événements dont nous avons été le spectateur ou même l’acteur. Écrire sa biographie, c’est aussi effectuer un travail de mémoire et partager cette mémoire de temps révolus avec ses proches. Par exemple, à l’heure où les derniers témoins de la Seconde Guerre mondiale avancent en âge, c’est tout un pan de notre histoire qui disparaît avec eux si ce travail de mémoire n’est pas fait. Car la biographie a ceci de particulier, qu’elle permet de faire le lien entre la petite histoire et la grande : l’Histoire avec un grand H. 

J’ai ainsi raconté dans une biographie l’histoire de Jean, jeune ouvrier pendant la Seconde Guerre mondiale. Le 9 novembre 1942, il était à son poste aux chantiers navals de Saint-Nazaire. Il y avait, depuis quelques mois, régulièrement des alertes signalant des attaques aériennes, les habitants s’y étaient habitués et n’y prêtaient plus guère attention. Ce jour-là en début d’après-midi, la sirène annonçant un bombardement retentit à nouveau. Jean ne saura jamais pourquoi, cette fois-là, il s’est précipité vers l’abri, slalomant entre les plaques de tôles, traversant en courant des ateliers… Il a juste le temps de se mettre à l’abri avant que la pluie de bombes commence. Assourdi par les explosions, complètement groggy, il reste longtemps couché dans l’abri avant de se risquer à l’extérieur. Et là, il découvre le désastre : l’école d’apprentissage a été complètement dévastée par les bombes. Jean s’approche et découvre au milieu des équipes de secours tentant de dégager des blessés, quatre jeunes garçons de son village, étendus sur des civières, morts. Centre trente-quatre apprentis sont décédés ce jour-là ainsi que dix professeurs.
Il rentre ce soir-là chez lui, un poids énorme sur les épaules et des images terribles gravées dans la mémoire. Deux jours plus tard, il avait vingt ans. Une stèle commémorant ce tragique événement se dresse aujourd’hui à côté du monument aux morts de son village. Témoin d’un événement qui restera dans les livres d’histoire, Jean le raconte à sa façon, avec ses mots et en partageant les émotions qui l’ont assailli ce jour-là. Ce qui fait la richesse de son témoignage, c’est qu’il l’a vécu personnellement. 

Contextualiser les souvenirs dans la biographie

C’est bien là ce qui est passionnant dans la biographie : pouvoir replacer dans leur contexte les événements vécus par le narrateur. Ainsi, le biographe rapproche la petite histoire de la grande, le narrateur peut dire : « J’y étais, j’en ai été le témoin. » En racontant l’histoire telle qu’il l’a vécue, le narrateur bénéficie d’une certaine forme de reconnaissance : reconnaissance de ses souffrances, de sa chance parfois, et surtout d’avoir participé à l’histoire tout simplement. Pour les proches qui reçoivent ce témoignage, c’est une prise de conscience : leur aïeul a traversé l’histoire, il en a été l’acteur ! C’est aussi bien souvent une fierté que de devenir dépositaire de cette histoire.

Garder vivantes les traditions

Au-delà de cela, témoigner dans une biographie permet aussi de faire revivre des traditions : le patronage, les fêtes de village, les veillées, de parler des métiers oubliés : le rémouleur, le sabotier... N’est-il pas important de raconter aux jeunes générations comment l’on vivait quand ni la télévision ni les téléphones portables n’existaient ? 

Et vous, avez-vous déjà vécu de près des événements historiques ? Que diriez-vous de les raconter dans une biographie ?

Parlons biographie, épisode 3 - Le besoin de transmission de son histoire familiale

29/08/2022

Parlons biographie, épisode 3 - Le besoin de transmission de son histoire familiale

Ecrire sa biographie répond à un besoin

Dans le second épisode de ce blog consacré à la biographie, nous avons appris que pour certains d’entre nous, la biographie répondait à un besoin de laisser une trace de son passage

 

Transmettre son histoire

Partons maintenant à la découverte de la seconde raison qui nous conduit à raconter notre histoire, j’ai nommé : le besoin de transmettre son histoire. Notre passage sur terre nous inscrit dans une lignée et, à ce titre, nous pouvons ressentir le besoin de passer le témoin à nos descendants. N’est-il pas important pour tout être humain de connaître ses racines, de se situer à la fois dans le temps et dans l’espace ? C’est ce que permet la biographie familiale en nous invitant à nous raconter. Et il y a fort à parier que notre histoire va débuter par celle de nos parents voire de nos grands-parents !

 

Biographie et généalogie

Ce n’est pas l’engouement actuel pour la généalogie qui me démentira. Il paraît que dix millions de Français la pratiquent déjà et que 70 % s’y intéressent. Dans ma famille, plusieurs personnes ont attrapé le virus. Grâce à leurs recherches, nous avons pu remonter le temps sur neuf générations, ce qui nous amène… au XVIe siècle. Nous avons ainsi découvert que nous descendions — entre autres — d’un certain René Guibert, né le 30 juillet 1597 en Loire-Atlantique.

 

Un lien entre les générations

La biographie, à l’instar de la généalogie, permet de faire le lien entre les générations : c’est le récit d’une mémoire familiale qui donne aux plus jeunes les clés pour mieux comprendre le présent, grâce au regard qu’ils peuvent avoir sur le passé. 
J’ai ainsi rédigé la biographie d’Ernest qui a aujourd’hui quatre-vingt-seize ans. Né de l’autre côté de l’Atlantique, il a vécu une vie riche de péripéties et de dépaysement, d’exil aussi. Et c’est cette vie qu’il a souhaité raconter à ses quatre petits-enfants et à ses sept arrière-petits-enfants. La biographie d’Ernest tisse un lien entre ces quatre générations, et même au-delà, puisqu’il y parle aussi de ses origines, notamment de ses ancêtres : Chinois, Indiens caraïbes ou venus d’Afrique. 
Ses enfants s’approprient le livre et s’en font aujourd’hui les porte-parole auprès des plus petits. C’est ainsi que la fille d’Ernest a entrepris de lire les aventures de Grand Papi au plus jeune de ses petits-enfants. Lequel est très étonné de découvrir comment vivait son arrière-grand-père, quels étaient ses jeux d’enfants, où se situait sa maison. Mais ce qu’il a préféré dans l’histoire, ce sont les bêtises qu’Ernest faisait à son âge ! Comment peut-il s’imaginer que son Grand Papi a tant voyagé, alors qu’il le voit désormais assis dans son fauteuil ?
La dernière ligne de la biographie d’Ernest est d’ailleurs très révélatrice de ce besoin de transmission : « Et maintenant il vous appartient, mes chers enfants, d’écrire la suite de l’histoire… » Avec ces quelques mots, Ernest passe le relais aux générations futures.

 

La biographie pour connaître ses racines

Nous l’avons compris, l’une des vertus de la biographie familiale est de permettre à sa descendance de connaître ses racines. Connaître pour comprendre et pour s’inscrire, soi aussi, dans cette histoire familiale. Pourquoi mes parents ou grands-parents ont-ils fait tel ou tel choix, pourquoi ont-ils pris cette décision, pourquoi ont-ils suivi ce chemin et pas un autre ? Par la connaissance du passé, la compréhension de notre histoire commune, donc de notre héritage familial, nous pouvons nous inscrire dans cette histoire partagée, et en faire partie, tout simplement. 


Finalement, écrire sa biographie, c’est laisser un trésor permettant de préserver les liens intergénérationnels.

Parlons biographie, épisode 2 - Le besoin de laisser une trace de son passage

30/07/2022

Parlons biographie, épisode 2 - Le besoin de laisser une trace de son passage

Ma recette de la biographie

 

Dans le premier article de ce blog consacré à la biographie, je vous ai donné ma recette de la biographie. Prenez trois ingrédients de base - la parole, l’écriture et la mémoire – agitez, amalgamez, mélangez soigneusement et longuement pour que les souvenirs imprègnent bien votre récit. Ajoutez-y deux épices de choix : l’envie et le besoin de raconter votre histoire. Votre plat est prêt pour l’impression et le partage. Soyez assurés que votre famille et vos amis se régaleront à la lecture de votre biographie ! Ils risquent même d’en reprendre.

Entrons maintenant dans le vif du sujet. Pourquoi éprouvons-nous donc le besoin de nous raconter ?

 

Raconter son histoire répond à un besoin

Que l’on soit une star de cinéma, un grand sportif, un chef d’entreprise renommé ou alors un parfait inconnu, écrire sa biographie répond toujours à un besoin. Et ce besoin, s’il varie d’une personne à l’autre, il est obligatoirement présent dans tout projet de récit de vie. 
Faisons un petit exercice d’introspection. Pour quelle raison, à titre personnel, pourrais-je être amené à raconter mon histoire ? Je n’exagère pas en disant que chacun d’entre nous a sans doute une motivation qui lui est propre. Cependant, si les raisons sont multiples, on peut les regrouper en six grandes familles, chacune d’entre elles fera l’objet d’un épisode de cet article de blog « Parlons biographie ! ». 

 

Laisser une trace de son passage

La première d’entre elles est l’envie de laisser une trace de son passage. Pas besoin d’avoir marché sur la lune ou été un chanteur à succès pour cela ! Il n’y a pas de vie inintéressante, toutes méritent d’être racontées. Chacun de nous a vécu de belles expériences : une époque révolue, des rencontres étonnantes, un travail original, des voyages ou encore des passions… D’après une enquête récente, 59 % des Français souhaitent laisser une trace à leurs proches. 59 %, six Français sur dix ! Beaucoup d’entre nous ont d’ailleurs pris la plume pendant les périodes récentes de confinement, pour entreprendre leur récit de vie.
Parce que se raconter dans une biographie, c’est faire revivre son histoire telle qu’on l’a vécue et avec nos propres mots. Cette histoire a forcément été émaillée d’anecdotes et si nous les avons gardées en mémoire, c’est qu’elles revêtaient un caractère spécial à nos yeux. 
Prenons l’exemple de Jeanne : elle a dix-sept ans en 1946, le jour du mariage de sa sœur. La perspective de perdre sa confidente de toujours ne l’enchante guère. Son oncle, qui est alors capitaine de gendarmerie au Maroc, est présent au mariage avec sa famille. Alors Jeanne demande à son oncle : « Dis tonton, tu ne m’emmènerais pas au Maroc avec toi ? » Apprenant cela, son père, furieux, lui dit « pas question que je te donne un sou pour le voyage ». Heureusement, Jeanne a plus d’un tour dans son sac : elle possède une pièce d’or offerte par sa grand-mère qu’elle conserve précieusement dans l’armoire de sa chambre. Elle court donc la chercher, mais découvre que la pièce a disparu, son père, qui avait tout deviné de ses projets, est déjà passé par là. 
À quatre-vingt-treize ans, Jeanne me raconte ce souvenir avec beaucoup d’amusement. S’il est resté aussi vif dans sa mémoire, c’est parce qu’il représente pour elle un événement important : l’affirmation de sa volonté devant son père, l’audace du départ à l’étranger, elle qui n’avait jamais dépassé les limites de son département de naissance. Jeanne est bien partie au Maroc avec son oncle et sa famille et elle y a passé ce qu’elle considère comme les plus belles années de sa vie. 
Bien sûr, cette anecdote aura une place centrale dans sa biographie. Et pas seulement parce qu’elle est amusante, mais aussi parce qu’elle en dit beaucoup du caractère de Jeanne et qu’elle est la première d’une longue brochette de souvenirs de ses années marocaines. C’est d’ailleurs sa petite-fille qui a demandé à Jeanne d’écrire son histoire de peur de perdre tous ces jolis souvenirs que son aïeule avait l’habitude de lui raconter lorsqu’elle était enfant.

 

Pas de biographie sans émotion 

Comme c’est le cas pour Jeanne, chaque biographie va s’organiser autour d’anecdotes emblématiques de notre parcours, par leur drôlerie, l’émotion qu’elles suscitent ou encore parce qu’elles s’inscrivent dans un contexte historique particulier. Ce sont ces petites histoires qui vont faire la saveur du récit et susciter l’intérêt du lecteur. Et plus nous sollicitons notre mémoire lors de la rédaction d’une biographie, plus les souvenirs affluent. Un conseil : n’oubliez pas de les noter au moment même où ils surgissent – souvent au milieu de la nuit si j’en crois les narrateurs avec lesquels j’ai travaillé !
Se raconter dans une biographie c’est donc en premier lieu fixer sur le papier nos souvenirs, les enrichir en stimulant sa mémoire, ne pas oublier tout simplement. C’est faire ressortir nos réussites, nos déceptions, nos expériences. En offrant cette biographie à nos proches, en leur faisant ce cadeau précieux et très personnel, on continue ainsi à vivre dans leur mémoire. 

Finalement, écrire son autobiographie, c’est un peu accéder à l’immortalité.

Parlons biographie, épisode 1 – La meilleure recette de biographie

29/06/2022

Parlons biographie, épisode 1 – La meilleure recette de biographie

BIOGRAPHIE !

 

Si le terme nous est familier, on ne pense pas toujours à en rechercher l’étymologie. C’est au grec que nous devons ici rendre hommage : "bios" pour la vie et "graphè" pour l’écriture, écrire sa vie ! N’est-ce pas déjà un programme alléchant ? 

 

Ma recette pour une bonne biographie

Mettez votre tablier, je vous emmène en cuisine ! De quels ingrédients avons-nous donc besoin pour réaliser la meilleure recette de biographie ? J’en ai compté trois.
Le premier ingrédient c’est la parole. Nous, êtres humains, avons ceci de particulier, que nous sommes dotés de la parole, grâce à laquelle nous pouvons exprimer des choses et surtout les raconter. C’est bien par la tradition orale que se transmettent les histoires d’une génération à l’autre. C’est formidable le bouche-à-oreille, mais malheureusement cela a aussi un très gros défaut, le risque de déformation voire de déperdition de l’information. 
Il est donc indispensable d’ajouter un second ingrédient à notre biographie : l’écriture
L’invention de l’écriture remonte à 3500 av. J.-C. en Mésopotamie. Peu à peu apparaissent les alphabets tels que celui que nous utilisons. À partir de ce moment-là, l’homme fait un grand pas dans la conservation de la parole. Parce que finalement, qu’est-ce que c’est que l’écriture ? C’est la possibilité de fixer sur un support — pierre, bois, parchemin, papier — la parole ! Et cette découverte est fabuleuse puisque désormais, l’histoire quand elle est écrite, ne risque plus de se déformer. 

Il nous manque encore un ingrédient pour que notre recette soit complète. Ici entre en scène la mémoire. 
Grâce à elle, nous pouvons revivre les événements passés. Notre cerveau est très bien fait, il regorge de bonnes histoires, drôles ou émouvantes, tristes ou gaies. Il pousse même le détail jusqu’à conserver la trace des émotions qui leur sont associées, des personnages présents, etc. Peut-être en avez-vous fait l’expérience, mais quand on commence à se plonger dans ses souvenirs, ressurgissent une foule de choses que l’on pensait avoir oubliées. 
La parole, l’écriture, la mémoire, tout est donc réuni pour que le travail du biographe puisse commencer. 

 

La biographie est une affaire d'envie et de besoin

Tout ? Non, pas encore ! Notre biographie serait en effet sans saveur si nous n’y ajoutions pas quelques épices pour que notre recette soit réussie. Ces épices ce sont l’envie et le besoin de raconter son histoire. Ils sont en effet au cœur de tout projet de biographie.
Vous souhaitez en savoir plus sur les besoins et sur l’envie qui président à la rédaction d’une biographie ? Retrouvez-moi au prochain épisode !