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28/02/2023
Dis maman, comment c’était quand j’étais dans ton ventre ? Et quand j’étais un bébé ? À quel âge j’ai fait mes premiers pas ? Tu te souviens de cette photo où l’on est tous les deux, c’était où ?
Qui a la chance d’être maman (oui, je suis de celles qui considèrent cela comme un bonheur) a forcément entendu l’une ou l’autre de ces questions, posée des années après par un chérubin qui pèse désormais quatre-vingts kilos. Si certains souvenirs sont gravés dans notre mémoire, d’autres, plus nombreux, ont fini par s’effacer… parce que les années sont passées par là.
Pourquoi ne pas prendre le temps de se poser une ou deux heures pour lui raconter notre grossesse et les premières années de sa vie ? Parce que c’est un moment exceptionnel dans une vie… même s’il ne nous a pas toujours laissé que de bons souvenirs ! Et quand bien même il y aurait des souvenirs difficiles, voire douloureux, n’est-ce pas l’occasion de déposer sur le papier ce fardeau ?
Alors, on y va, on prend une grande bouffée d’émotion ?
Concevoir la vie n’est pas chose facile, il y a des embûches, des grossesses qui tardent à venir, d’autres qui se passent mal. Certaines sont amputées de quelques semaines et le bébé arrive sans crier gare. D’autres encore débouchent sur le deuil d’une vie qui ne faisait que commencer. Et puis, il y a celles où tout se passe à merveille… oui, oui, il y en a !
C’est beau de raconter l’attente, à commencer par la première d’entre elles : fille ou garçon ? On veut savoir ou en s’en fout. Puis les premiers mouvements : « Viens vite, il a bougé, mets ta main sur mon ventre. Là, oui, là ! » quelle joie de pouvoir enfin partager ces moments uniques avec l’autre parent. Les interactions se font ensuite plus nombreuses, on suit un petit pied qui se déplace dans un ventre désormais bien rebondi, un autre appuie là où ça fait mal. « Mais qu’est-ce qui se passe : oh ! il a le hoquet ! » Arrivent les questions : « Est-ce que mon bébé reconnaît ma voix ? Je vais lui faire écouter mon chanteur préféré, à moins qu’un air d’opéra… Comme ça, il sera mélomane plus tard, c’est sûr. » « Qu’est-ce qu’il ou elle préfère : les lasagnes ou les crêpes ? »
S’en suit la prise de tête : le choix du prénom ! Si c’est une fille, ce sera Eglantine et si c’est un garçon Hector. On est d’accord, tant mieux ! Mais ça, c’est rare … « Ah non, tu ne vas pas l’appeler comme ton grand-père Alphonse ! » « Non, pas Prudence, cela va la freiner dans tout ce qu’elle entreprendra. » Alors, on fait des compromis, en espérant ne pas les regretter un jour. Ou on attend le dernier jour… et on demande à la sage-femme : « Et vous, vous appelez comment ? »
Petit à petit, approche l’heure de la naissance. On va souffrir, c’est sûr, mais ça en vaut la peine. « Ça risque d’être long, c’est le premier ! » « Une césarienne, ah non pas question ! Mais si madame ! » A-t-on quelqu’un pour nous tenir la main ? Pour la serrer quand arrive le moment crucial ? Et là, on guette le premier cri, petit couinement de mécontentement : « Qui ose me déranger dans mon nid douillet ? », première confrontation avec la vie. Et on se découvre l’un et l’autre, ébahis. « Je t’ai imaginé pendant neuf mois… et te voilà, waouh ! » « Moi, j’ai été capable de créer ce petit être que je serre contre moi. C’est magnifique ! » Ou encore, la déception, qui ne dure jamais très longtemps : « Qu’est-ce que c’est que ce petit machin tout rouge et tout fripé ? »
Après le tsunami d’émotions arrive le tsunami tout court : on rentre à la maison, on grappille des demi-heures de sommeil, on change une couche, dix couches, cent couches. On donne des bains, on joue avec l’eau, on fait pouët-pouët avec le canard. On se couche en se disant que cette fois, c’est bon, le bébé va dormir six heures d’affilée et il se réveille au bout de deux. On donne la tétée, le bib, la totote, un quignon de pain. Il fait ses dents, elle est malade, il pleure, elle hurle, il sourit, elle rit aux éclats, il dit son premier mot (maman forcément !), elle marche à quatre pattes, il se met debout, elle tombe, il se relève, elle a fait son premier pas !!!!
Oui, c’est ce tourbillon d’émotions que l’on raconte dans un récit de naissance : les joies, les peines, les fous rires, les moments de tendresse, les petites bêtises, les premiers mots… Qu’il soit écrit en solo ou conçu à deux, c’est un vrai cadeau pour l’enfant qui le reçoit, le plus beau des témoignages d’amour tout simplement.
31/01/2023
Au fil des épisodes de ma série d’articles de blog consacrés à la biographie : « Parlons biographie : Pourquoi a-t-on besoin de raconter son histoire ? », j’ai partagé avec vous ma conception de la biographie en faisant appel à une métaphore. Et si la biographie était une recette de cuisine ?
Si le point de départ de la recette est de recueillir la mémoire, grâce à la parole du narrateur et à l’écriture du biographe, la question du besoin se pose assez rapidement. Quel est le besoin ou plutôt quelles sont les familles de besoins, qui amènent à vouloir se raconter ? J’en ai identifié six, chacune ayant fait l’objet d’un épisode de ce blog :
- Laisser une trace de son passage,
- Transmettre son histoire familiale,
- Témoigner,
- Servir d’exemple à ses proches,
- Se libérer de ses traumatismes,
- Aider les autres.
Parce que sans envie, il n’y a tout simplement pas de biographie. On ne force pas quelqu’un à écrire sa biographie, cela relève avant tout d’une démarche volontaire et choisie. Et ce choix n’est pas dénué d’efforts à consentir, pour arriver à l’objectif final : écrire sur sa vie.
Pour se lancer dans un projet de récit de vie, il faut en effet avoir l’envie chevillée au corps : regarder en arrière, se replonger dans le passé, revivre une époque révolue. L’envie de faire ressurgir des souvenirs heureux ou malheureux, de renouer avec des moments de grâce et avec d’autres que l’on aurait mieux aimé oublier.
Elle arrive sans crier gare au détour d’une page d’un vieil album photos, lorsque nous assaillent des visages, des noms, des lieux et toutes les émotions dont ils sont chargés.
Elle surgit à notre oreille à l’écoute d’une mélodie que l’on croyait oubliée, d’une chanson de sa jeunesse, du tube de ses années lycée, qui nous submergent sous une vague de nostalgie ou de gaieté.
Elle prend parfois la forme d’un bon petit plat qui réveille nos papilles, au souvenir des recettes dont nous régalait maman.
Parfois, elle vient flatter nos narines des délicieuses effluves de cuisson qui nous rappellent notre gâteau d’enfance.
On la retrouve enfin par hasard, lorsque nos doigts se réveillent au doux toucher d’une étoffe ou d’un meuble de famille.
La biographie nous emporte donc, nos cinq sens en éveil, elle nous transporte au cœur de nos souvenirs, elle nous apporte la possibilité de revivre en pensée de courts instants de vie.
Alors, ne vous demandez pas si votre vie est assez "intéressante" pour la raconter... Demandez-vous simplement si vous en avez besoin, et surtout, si vous en avez envie !
28/12/2022
Nous avons observé dans les derniers épisodes de mon blog dédié à l’écriture biographique, que le récit de vie permet de se libérer de ses traumatismes, en les couchant sur le papier. Il a été souligné que le plus souvent cette démarche n’avait pas vocation à être partagée, l’écrit ayant alors une visée « thérapeutique ».
Mais il arrive également que le fait de raconter comment une épreuve a été surmontée puisse aider les autres. En effet, en partageant une expérience personnelle douloureuse et surtout en montrant la façon dont nous avons réussi à nous en relever, nous pouvons apporter une aide à ceux qui sont confrontés à des situations similaires. C’est bien de résilience dont il s’agit, comme l’évoquait FW Nietzsche : « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort. » En surmontant les difficultés auxquelles j’ai été confronté, j’atteste ainsi de ma propre force.
Témoigner de cette histoire personnelle, c’est alors véhiculer un formidable message d’espoir aux lecteurs. J’ai souffert, je m’en suis sorti, je raconte pour vous montrer que c’est possible et que je suis là aujourd’hui, pour le dire.
La liste des traumatismes est longue : combattre la maladie, faire le deuil d’un enfant, accompagner un parent atteint d’une maladie invalidante, élever un enfant handicapé, se relever d’un burn-out... Autant de chocs émotionnels ou physiques devant lesquels nous nous sentons très seuls lorsque nous y sommes confrontés. Et pourtant… d’autres que nous sont forcément passés par là, d’autres que nous ont vécu une situation douloureuse identique. Leur témoignage, qui met des mots sur ce que l’on ressent, peut aider à surmonter l’épreuve subie.
J’ai ainsi dans mon entourage une jeune femme qui a été atteinte d’un cancer à quarante ans. Lorsque le diagnostic est tombé, très brutalement, Camille a d’abord sombré un temps dans le désespoir. Mais c’est une battante, une vraie force de la nature et elle a vite repris le dessus. Elle ne s’est quasiment jamais arrêtée de travailler pendant son traitement. Pourtant, c’est un vrai parcours du combattant qui l’attendait. Choisir le meilleur hôpital pour se faire soigner ; trouver une belle perruque ; se renseigner sur les thérapies douces permettant de soulager certains effets secondaires des traitements… Elle ne savait pas vers qui se tourner pour obtenir des informations fiables face à ses multiples questions sans réponse. Elle a parfois dû remuer ciel et terre pour aller chercher les bonnes réponses.
Alors, lorsqu‘elle a été guérie, elle a voulu raconter son cheminement, sans rien omettre de ce qu’elle avait vécu pendant plus d’un an. Son objectif était d’aider celles et ceux qui se trouvaient dans la même situation : les informer, les guider, leur donner des conseils pratiques et surtout les rassurer… Le récit de son combat contre la maladie a permis d’aider beaucoup de femmes et d'hommes. Et aujourd’hui encore, plus de dix ans après, elle ne manque jamais d’aller voir les malades lorsqu’elle se rend à l’hôpital pour des visites de contrôle. Ce qu’elle apporte avec elle n’a pas de prix : c’est le symbole de la guérison et surtout de l’espoir.
La biographie pour être utile
Certes, se lancer dans un tel récit de vie demande du courage et de l’abnégation, cela oblige à repasser par toutes les étapes difficiles que l’on a vécues. Mais lorsque l’on écrit, non seulement pour soi, mais aussi pour les autres, l’objectif est tellement puissant et noble, qu’il permet de passer outre les obstacles. Savoir que son expérience personnelle va servir à d’autres, c’est gratifiant, cela permet de se sentir utile et de pouvoir simplement se dire :
« Je n’ai pas vécu tout cela pour rien ! »
30/11/2022
Si ces quatre premières familles sont tournées vers les autres, avec une volonté sous-jacente d’offrir aux autres son histoire, le besoin de se libérer de ses traumatismes est quant à lui, centré sur le narrateur. Dans ce contexte, écrire est un moyen d’aller mieux. Pour nombre de personnes, la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Que l’on soit touché par le deuil ou l’exil, soumis à la violence physique ou morale, atteint par la maladie : exprimer sa douleur en la couchant sur le papier peut faire partie des actes de la thérapie.
On entend souvent dire : « Il faut mettre des mots M O T S sur des maux M A U X. » Même si cette expression semble un peu galvaudée, elle n’en demeure pas moins tellement parlante, évidente même, qu’il est difficile de ne pas s’y arrêter quelques instants. Que nous dit-elle ? Elle nous enseigne que passer à l’écrit pour qui souhaite s’engager dans un travail de résilience est aujourd’hui une nécessité. Il est en effet prouvé que le fait de raconter un épisode traumatique peut aider à se soigner. La méthode est d’ailleurs employée par des psychologues et des psychothérapeutes, qui n’hésitent pas à demander à leurs patients d’écrire sur leur souffrance, de la raconter pour mieux l’apprivoiser en quelque sorte. Sans aller jusqu’à la thérapie, certains ateliers d’écriture, centrés sur le récit de situations difficiles, permettent aussi, en libérant les émotions ainsi décrites, de prendre du recul et de la distance avec les faits. L’écriture est alors libératrice.
J’ai ainsi rencontré Marie, une jeune femme suivie par une psychologue depuis dix ans. Marie avait été enfermée dans une relation toxique pendant près de dix ans avec un homme devenu alcoolique et violent. Lorsque la violence a commencé à se tourner vers ses enfants, Marie a trouvé le courage de partir. Comme Marie restait prisonnière de cette histoire tragique, son thérapeute lui a conseillé de raconter son histoire en la mettant par écrit. Le défi était immense - revivre tous ces épisodes traumatiques – mais l’enjeu était à la hauteur des difficultés rencontrées : il s’agissait de mettre un point final à l’histoire. Pour Marie, l’objectif n’était pas d’oublier cette partie de sa vie, mais de s’en libérer. En rédigeant son livre, elle s’autorisait enfin à extraire de sa mémoire ces longues années, pour pouvoir enfin aller de l’avant avec ses enfants et ainsi se permettre de revivre, tout simplement. Ce récit de vie très personnel avait pour seule vocation de lui permettre de continuer son chemin, avec la conscience de ce qu’elle avait vécu, mais sans être continuellement hantée par ce passé douloureux.
Il en faut du courage pour mener à bien un tel projet, cela oblige à remuer des choses qui font mal, mais le jeu en vaut la chandelle. Quels sont donc les mécanismes qui se mettent en route lorsque l’on écrit ? En écrivant, on prend de la distance avec les faits : en mettant des mots sur ce qui nous a touchés, ce qui a été douloureux, on réalise un travail libérateur, car ce sont les pensées négatives ou traumatiques qui nous empêchent d’avancer. La thérapie par l’écriture permet de retrouver des émotions liées aux épisodes vécus, de dégripper certains rouages, de reformuler et de digérer les souvenirs qui nous ont blessés. Le récit de vie permet alors de faire le point sur sa vie, de retrouver la paix intérieure et d’apaiser sa souffrance morale.
Ce type de biographie n’est que rarement destiné à être partagé, on le garde pour soi, comme un témoignage personnel qui devient à la fois le dépositaire de nos blessures et le sésame qui nous autorise à nous en affranchir.
Photo by Darius Bashar sur Unsplash
31/10/2022
Dans les précédents épisodes de ce blog consacré à la biographie, nous avons déjà identifié trois besoins conduisant à l’écriture d’une biographie : laisser une trace de son passage, transmettre son histoire personnelle et témoigner.
Mais la biographie peut aussi avoir des vertus d’exemplarité. Nos chemins de vie ne sont pas toujours linéaires : nous commettons des erreurs, notre parcours est souvent semé d’embûches et nous sommes tous amenés à faire des choix. Ce sont ces expériences qui forgent les valeurs qui nous animent et qui nous guident, ces valeurs qui font notre singularité. Elles font partie de notre patrimoine et de l’héritage que nous avons envie de léguer à ceux qui nous entourent. En racontant notre cheminement à notre famille, on lui offre ce cadeau qui va bien au-delà du cadeau que l’on se fait à soi-même.
Je voudrais vous parler de Pierre, cultivateur à la fin du XIXe siècle, dont j’ai écrit la biographie. Pierre a vingt-trois ans quand, orphelin de père et de mère, il s’endette auprès de sa famille et de ses amis pour acheter les terres et les bâtiments de sa ferme. À force de travail acharné, d’audace aussi, de modernisation de son outil de travail, il va réussir à rembourser ses dettes et à faire de son exploitation un établissement modèle. Pour cela, il sera même récompensé par des médailles agricoles.
En 1934, c’est son gendre, Jean-Baptiste, qui reprend le flambeau et s’inspire de l’exemple de Pierre pour continuer les transformations. Lui aussi innove, tente de nouvelles cultures, s’essaie à l’élevage. Il devient formateur auprès de jeunes de l’École Supérieure d’Agriculture. Il incarne parfaitement la valeur du travail bien fait, mise à l’honneur dans la biographie de Pierre et Jean-Baptiste. Cet exemple devient une source d’inspiration, mais aussi de respect pour leur descendance.
N’est-ce pas la volonté de nombre de parents que de donner de bonnes bases et des valeurs solides à leurs enfants. Ne dit-on pas couramment dans les familles : « Montre l’exemple à ton frère ou à ta sœur… » Les biographies qui mettent en valeur l’exemplarité de ceux qui nous ont précédés nous permettent d’apprendre des valeurs familiales et des expériences passées, pour mener à notre tour notre propre vie.
Mais elles permettent aussi de mettre en garde contre les écueils à éviter, en ne cachant pas les fausses routes et les accidents de parcours. Être vrai, c’est aussi savoir dire dans sa biographie : « J’ai commis des erreurs, je me suis trompé, cela m’a permis d’apprendre des choses. Et l’expérience que j’ai vécue peut vous permettre de ne pas reproduire mes erreurs. »
La biographie peut ainsi devenir une vraie leçon de vie pour celui qui la reçoit et sait en faire bon usage.
Photo de Denys Nevozhai sur Unsplash